Sur le site d' AST67

( http://www.ast67.org/fr/accueil.html )

Lien vers l'article :

http://www.ast67.org/som_ast/enquete_ast/compost.htm

UNE APPROCHE DU RISQUE MICROBIOLOGIQUE AÉROPORTÉ DANS UNE USINE DE COMPOSTAGE INDUSTRIEL D’ORDURES MÉNAGÈRES

Ce travail a été réalisé par le Docteur Nathalie Delaunay, médecin du travail à AST67

(Thèse de médecine sous la direction du Docteur Perdrix, CHU Grenoble).

Cette thèse est disponible à l’AST du Bas - Rhin. Un résumé d'une vingtaine de pages avec la bibliographie est disponible sous format PDF(75 Ko), http://www.ast67.org/PDF/compostage.pdf

lisible par Acrobat Reader
que vous pouvez télécharger gratuitement. ICI

****************************
Dans le recyclage des déchets municipaux solides, le compostage industriel des ordures ménagères par maturation accélérée en système clos est en train d'acquérir une place majeure. Avec un double profit : celui d'éviter la multiplication des décharges municipales et celui de produire un compost utile aux agriculteurs.
Revers de la médaille, ce type de compostage fait intervenir de très divers micro-organismes présents à de fortes concentrations. Il en résulte un risque microbiologique aéroporté encore mal évalué actuellement, mais en toute hypothèse direct pour les opérateurs.
Pour apprécier ce risque microbiologique aéroporté, une campagne de mesures a été réalisée en été, dans une usine de compostage d'ordures ménagères iséroise, associée à un inventaire clinique. Ce dernier a été répété dix-huit mois plus tard.
Lors de l’été 1995, la moyenne d'ancienneté des sept salariés directement exposés était de sept mois. Le questionnaire révélait non seulement l'existence de divers troubles O.R.L., oculaires et respiratoires survenant après la prise de poste, mais aussi la présence de troubles récurrents (céphalées, diarrhées...). Dix-huit mois plus tard, les onze salariés (dont 6 étaient présents lors de la première campagne) avaient alors une moyenne d'ancienneté de quinze mois et se plaignaient principalement de gastro-entérites répétées. Les résultats des spiromètries étaient toujours normaux sans variation intra-journalière significative.
Quant aux prélèvements microbiologiques d'ambiance, ils montraient des concentrations importantes de l’ordre de 22.103 à 95.103 CFU/m3 d’air (similaires aux données de la littérature) augmentant au cours du process puis diminuant vers la fin. Parmi les bactéries on note la prédominance de staphylocoques coagulases négatif et la présence de bactéries Gram - négatif. Le genre fongique prédominant est l’aspergillus (Aspergillus fumigatus, flavus et niger). C'est inquiétant dans la mesure où certains Aspergillus flavus peuvent sécréter une aflatoxine appartenant au groupe 1 du Centre International de Recherche sur le Cancer (cancérogène pour l'homme)
Peu de publications sont orientées spécifiquement vers le compostage des ordures ménagères. Un premier symposium sur ce sujet a eu lieu en 1996 au Danemark. La plupart des auteurs étaient d'accord pour affirmer que le risque microbiologique aéroporté dépend principalement du type de déchets à composter. Au-delà, la majorité des études présentées soulignaient que le compost des déchets ménagers était caractérisé par une prédominance générale de bactéries Gram - négatif, d'actinomycètes thermophiles, d'Aspergillus fumigatus et de Pénicillium. Et ceux-ci, avec des taux certes moins importants que ceux trouvés dans les stations de compostage mixte ou de déchets verts, mais semblables à ceux des stations d'épuration des eaux usées. Ces études révélaient également de hautes concentrations d'endotoxines. Quant aux taux de mycotoxines dans l'air, ils n'avaient pas été mesurés.
En réalité, on a peu de recul sur les pathologies liées au compostage des déchets ménagers. Dans ces conditions, il convient de se référer aux études menées sur le risque microbiologique aéroporté dans d'autres secteurs de traitement des déchets (station d'épuration des eaux usées...).
Il ressort ainsi de manière générale, que les salariés exposés aux poussières organiques sont plutôt atteints de maladies non infectieuses de mécanisme immuno-allergique ou non, liées à certains composés de la poussière organique (bactéries Gram -négatif, actinomycètes thermophiles, Aspergillus fumigatus, endotoxines...). En particulier, beaucoup d'auteurs tiennent l'inhalation d'endotoxines pour responsable des troubles digestifs, des nausées, des fièvres... et du développement de bronchopathies chroniques obstructives professionnelles non atopiques et non tabagiques. Les actinomycètes thermophiles seraient la cause d'alvéolites allergiques extrinsèques. Au niveau de la flore fongique, l’Aspergillus fumigatus est considéré comme présentant des risques immunoallergiques et infectieux pour les immunodéprimés.
Au vu de ces constats, et malgré les incertitudes qui règnent encore sur le risque microbiologique aéroporté dans le compostage industriel des ordures ménagères, il est certain que des mesures de prévention doivent être prises dans la filière de compostage des déchets ménagers. En effet, même si les troubles médicaux des salariés examinés dans l'usine ne sont pour l'instant que des signes d'irritation et des gastro-entérites bénignes, même si les spirométries ne montrent pas de variations significatives, les risques subaigus, aigus ou chroniques restent encore préoccupants compte-tenu des hautes concentrations de micro-organismes retrouvés.
Comment évolueront ces risques à long terme, alors que les salariés inhalent ces micro-organismes huit heures par jour ?
Une surveillance microbiologique incluant le dosage des endotoxines, (de certaines mycotoxines?) et des actinomycètes thermophiles permettrait à la fois une meilleure estimation et un contrôle plus régulier du risque microbiologique aéroporté. Parallèlement, une recherche plus poussée sur les facteurs techniques (épuration de l'air...) permettant de réduire les concentrations en micro-organismes est indispensable.
Enfin, au-delà des nécessaires efforts de prévention individuelle (en particulier port de protections respiratoires) il est crucial de faire bénéficier chaque salarié d'une surveillance médicale particulière par le Médecin du Travail et d'éviter l'embauche de personnel présentant un déficit immunitaire chronique.

Les informations contenues dans ce dossier engagent la seule responsabilité du ou des auteurs