lundi 26 janvier 2009

BIOGAZ DANGEREUX

" Le déchet le plus facile à éliminer est celui que l'on n'a pas produit. "

Pour nous résumer: au vu du statut actuel de la toxicologie des pollutions, l'argument consistant à déclarer les biogaz comme inoffensifs lorsque leur constituants dangereux se situent individuellement "dans les normes" est fallacieux et scientifiquement erroné à plus d'un titre. Nous avons vu plus haut que même ces normes de référence ont toutes les chances de jamais être respectées dans la pratique. Pour se couvrir, l'exploitant publiera des chiffres moyens (gommant les écarts observés ou les données qui ne l'arrangent pas), correspondant à une sélection de mesures effectuées dans les conditions les plus favorables, de préférence toujours en amont des vents. Une forme d'auto-surveillance positivante, faite autant pour rassurer qu'endormir les consciences (non déjà exposées aux brumisateurs). Oui, nous sommes au XXIème siècle.

Les cancers liés à l'exposition des biogaz se développent sur le très long terme. En effet, le cycle de cancérogenèse, s'il débute immédiatement, ne conduit à l'apparition de symptômes (dépistage clinique effectif) qu'au bout de 20-25 ans, soit.. bien après la fermeture du CET (10-15ans), c'est à dire lorsque les responsables de l'époque sont ou bien partis sévir ailleurs, ou ont pris leur retraite! Rappelons également que le cycle de production des biogaz s'étale sur 50ans. En clair, la production annuelle des biogaz se perpétue (à un rythme plus lent, certes) sur une échelle de 20-30ans, soit 10-20ans après la fermeture d'un site, ce qui en dit long sur les possibilités de recours. Certains rapports en Amérique du Nord font état de 100 ans pour l'ensemble des mesures de surveillance, sachant que les biogaz s'intègrent également dans les lixiviats, pour lesquels la durée de production et de toxicité sur une échelle séculaire n'est toujours pas documentée.

Des études épidémiologiques très sérieuses, objectives et statistiquement viables, concernant l'observation d'une réduction des défenses immunitaires, sur certains traceurs du cycle de cancérogenèse (taux d'échange de chromatides soeur) et sur l'apparition anormale de certains cancers et leucémies chez les riverains de CET*, ont déjà été publiées (Belgique, Allemagne, Royaume-Uni, Etats-Unis, Canada..). Concernant la France, on peut citer (à titre non exhaustif, mais illustratif) un rapport de la DDASS, établi sur des données collectées auprès des médecins généralistes concernant l'impact sur la santé du CET "classe 2" de la Bistade (Sainte-Marie KerquePas-de-Calais). Les différents rapports soulignent expressément que les risques vitaux afférents à la proximité d'un CET concerneraient une zone d'exposition comprise entre 500m et 5km (voire 8 ou 10km dans certains cas) de distance par rapport au CET. Ils recommandent de façon expresse tenir les CET à une distance aussi éloignée que possible des populations riveraines, et d'offrir un suivi médico-sanitaire rapproché aux personnes qui seraient malheureusement trop exposées.

Malgré les risques sanitaires élevés que la proximité d'une décharge fait courir aux riverains, tels que différentes études indépendantes et très sérieuses l'ont scientifiquement prouvé, il y aura encore des gens pour affirmer "qu'il faut en interptérer les résultats avec la plus grande prudence", ou "qu'on ne peut conclure de façon certaine" ! L'argumentation mise en avant pour justifier cette curieuse réserve est que ces études n'auraient pas prise en compte tous les facteurs, comprenez "socio-économico-démographiques." (si ce fourre-tout conceptuel a un sens). Autant dire que des mesures statistiques scientifiques et rigoureuses ne valent pas grand'chose si on n'a pas pris en compte le fait "socio-économico-démographique", sur lequel on peut faire dire tout comme son contraire. Faudrait-il en conclure que du fait de leur catégorie sociale, de leurs activités, de leur revenus ou de leur habitudes, les populations vivant près des décharges auraient une santé a priori plus fragile que la moyenne de la population? Ou que les décharges attirent les personnes à risques? Si une telle monstruosité était fondée, alors il n'y aurait effectivement plus de problème sanitaire à vivre près d'une décharge, puisque c'est le riverain qui l'amène! La vraie raison de cette réserve affichée, sur fond de "grande prudence forçant le respect", est toute autre. Il s'agit simplement de nier l'évidence afin de mieux faire accepter l'implantation des CET, sachant qu'on peut aisément faire l'économie de s'inquiéter de la santé de ces populations minoritaires que sont les riverains. De toutes façon (comme nous l'avons vu), même si à terme on trouvait quelque chose de grave, cela ne prouverait rien ! (voir également *note plus bas)

Quant aux plaintes concernant différents troubles vécus au quotidien (odeurs insupportables, toux, irritation des yeux et des voies respiratoires, insomnies, irritabilité, états dépressifs, etc.), on ne saurait les prendre en compte et les interpréter qu'avec la plus grande prudence: elles proviennent en effet des riverains des décharges, ce qui en limite toute objectivité!. Ce n'est pas nous qui l'avons inventé (cf. rapport du Commissariat au Plan de décembre 2003, p369, référence à la page "Vous avez dit CET?").

Le descriptif ci-dessus, concernant l'impact des biogaz sur la santé, nous éloigne fort de l'image rassurante des "petites nuisances" causées par les "petites odeurs", et qui vaut à tous les opposants de CET une accusation d'égoïsme, voire d'incivilité anti-écologique! Aux risques associé aux biogaz sur une période de 50 ans, il faut ajouter ceux provenant des pollutions de la nappe phréatique par les fuites des lixiviats. On a vu que celles-ci sont inévitables, malgré le fameux "état de l'art" des technologies de protection. A ce phénomène de fuites ininterrompues sur une échelle de plusieurs décennies, dont les conséquences sont presque imperceptibles au cours des premières années d'exploitation, s'ajoute celui du viellissement naturel et de l'obsolescence terminale du dispositif d'imperméabilisation. Le vrai problème d'une pollution irréversible de la nappe pourrait survenir 10-20 ans après la soi-disante "fermeture" de l'exploitation.

Puisqu'on imagine fort difficilement que les exploitants de CET ne sont pas au courant de ces risques connus et pour certains déjà bien documentés, on se pose la question de savoir pourquoi un suivi médico-sanitaire rapproché (et la compensation en frais de sécurité sociale et le cas échéant, d'assurance-vie) ne fait pas partie de l'offre commerciale.. On se demande aussi pourquoi les contrats d'autorisation d'exploitation ne sont pas assortis d'un fond de garantie minimum en compte bloqué en cas d'accident ou de catastrophe majeurs, ou de manquement à l'application des normes ou dispositifs sécuritaires, sur une échelle de 50 ans, dans les clauses contractuelles des 30-40 ans de post-gestion environnementale. Dans le cadre légal actuel*, le fait que ces clauses comportent quelques garanties d'intervention, ou de remise en état du site en cas d'accident, et dans le cas favorable se réduisent à l'engagement par l'exploitant de replanter des "essences arboricoles" (sic) voire de créer des' "espaces ludiques" (re-sic) en dit long sur la prise de responsabilité qui accompagne ce type de contrat. (* voir en particulier à la page "Vous avez dit CET ?", l'analyse de la circulaire ministérielle de 1996 relative aux garanties financières de l'exploitation d'un CET).

*Note: nous parlons bien ici de rapports concernant l'équivalent étranger des CET classe 2 (décharges d'ordures ménagères et assimilées et déchets industriels banals [DIB]), et non de décharges de produits toxiques (déchets industriels spéciaux [DIS]) qui ont pu aussi faire l'actualité (e.g. la tragédie de Love Canal aux Etats-Unis ou celle de Mellery en Belgique). Pour nier l'existence à l'étranger de problèmes liés au premier cas, une astuce grossière consiste à suggérer qu'il ne s'agit en fait que du deuxième cas, ou que les normes d'enfouissement y sont très "différentes", les deux types de déchets étant supposés être mélangés sans discrimination. Mais les études épidémiologiques (voir plus haut "Production et récupération des lixiviats") ont démontrées qu'en matière d'impact et de risque sur la santé, il n'y a pas lieu de faire la distinction entre les deux types de décharges. En clair, un CET de classe 2 serait aussi dangereux, sinon plus dangereux, qu'une décharge de produits industriels toxiques contrôlée. Du côté des pouvoirs publics comme des exploitants (mais là ce n'est pas une surprise), on reconnaitra sans problème de conscience qu'en France on ne s'est jamais penché sur la question des risques sanitaires des CET. Aux yeux des exploitants, qui n'ont aucune difficulté à convaincre les pouvoirs publics, les études effectuées à l'étranger n'auraient pas de valeur puisque "peu nombreuses [sic]", "entachées d'importantes limites méthodologiques [re-sic]", ou "ne prenant pas en compte des facteurs de confusion, notamment socio-économiques [re-re-sic]". En somme, à chaque fois qu'on aura scientifiquent constaté un excès de pathologies anormales corrélé avec la proximité d'un CET, on se sera manifestement trompé sur toute la ligne, puisque le fameux facteur "économico-démographico-psycho-politico-social" n'aura jamais été pris en compte! Quels novices ces étrangers. Autant pour la grandeur de France, dont la science ne s'abaisserait jamais à des investigations si grossièrement rudimentaires. Celle-ci va finalement être mobilisée sur la question (recommandations C-2.1-a/d du Commissariat au Plan de décembre 2003), on respire enfin. Gageons toutefois que cela va prendre du temps et que cela va être difficile. L'expérience du passé (e.g. Mellery) a montré que le sujet est extrêmement sensible. Les médecins et les scientifiques risquent d'être pris en tenaille, sinon en ôtage, entre différents pouvoirs, publics et privés, sur fond de meute médiatique. Un tel contexte n'est pas de nature à encourager les conclusions indépendantes, sauf pour des personnes courageuses et de haute valeur morale. Pour faciliter leur tâche, les instructions officielles seront claires: surtout ne pas faire de vagues! On frissonne d'avance à l'idée de pouvoir lire un jour les résultats de l'enquête. Le rapport fera sans doute près de 2.000 pages, à cause de la nécéssité impérieuse de ne rien oublier des facteurs économico-démographico-psycho-politico-sociaux. On s'attachera à fustiguer les mauvais exemples (eg. décharges sauvages de Marseille ou de Bastia) afin de faire reluire les bons (CET en cours d'installation ou dans les premières années d'exploitation). On comparera le pire cas des premiers (étude rétrospective défavorable) avec le meilleur cas des seconds (étude prospective favorable). Dans les cas intermédiaires, on soulignera qu'il faut interpréter les résultats avec la plus extrême prudence, compte-tenu des faiblesses de l'échantillonnage statistique (les populations bougent) et de la complexité des "facteurs de confusion". Comme pour les sondages électoraux, on sélectionnera un "échantillon représentatif" de populations riveraines selon certains critères pré-établis. On comparera les résultats avec une "population témoin", de préférence urbaine (c'est à dire exposée à des pollutions aux pathologies similaires). Nous pouvons d'ores et déjà livrer la conclusion de cette brillante enquête: "la proximité d'un CET ne cause aucun risque supérieur à ceux auquels les Français sont déjà exposés", et de toutes façons les accidents de la route sont bien plus mortels. On restera "extrêmement prudent" sur l'interprétation de certaines données alarmantes (dans la mesures où celles-ci n'auraient pas été expurgées d'emblée), dont on a vu qu'elles ne voulaient finalement rien dire. Il subsistera bien entendu quelques points d'interrogation sur l'épidémiologie prospective, dont les nouveaux "outils de suivi" auront juste été mis au point grâce à cette initiative unique. Gageons que la seconde recommandation sera la création d'un Observatoire, et qu'une autre Commission se réunira 10 ans plus tard pour "remettre ça".

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