lundi 26 janvier 2009

TOXICITE DES BIOGAZ

" Le déchet le plus facile à éliminer est celui que l'on n'a pas produit. "

Caractéristiques et toxicité des biogaz. Le mot "biogaz" (encore une expression "branchée") évoquerait plutôt une substance sympathique produite par une fermentation de compost, quoi qu'un peu odoriférante.. Comme les biogaz sont inflammables (à cause de leur composition en méthane), on imagine un parallèle avec le gaz de ville et ses nombreux bienfaits. La réalité est toute autre. Les biogaz contiennent certaines substances hautement toxiques et cancérigènes, qui le rendent très dangereux à respirer directement (voir plus bas). L'idée est de les brûler sur place au moyen de torchères. Mais leur combustion à une température en-dessous de 1200°C génère différentes dioxines et hydrocarbures lourds, dont la réputation n'est plus à faire. Il faut donc discerner les différents risques toxicologiques associés aux fuites des biogaz, de ceux qui sont associés à leur élimination par brûlage en torchère (un procédé élégament apellé "torcherie" ou familièrement "torchage"), ainsi qu'à leur valorisation par production d'électricité, encore une autre source de pollution chimique. Analysons ces différents points séparément:
- Captage et fuite des biogaz: on voit mal comment un gaz de fermentation puisse être capté dans une proportion suffisante sans un dispositif de bâche couvrant les matériaux en décomposition "par dessus". Contrairement aux jus de fermentation (lixiviats) qui descendent et se concentrent en ruisseaux et peuvent être drainés puis pompés, le gaz monte et se disperse en volume, filtrant à travers les déchets jusqu'à la surface. Qu'une bonne fraction des biogaz puisse être effectivement capté puis brûlé dans l'atmosphère (officiellement selon un rendement optimal de 70%, mais en pratique plus proche de 50%) n'enlève rien à sa dangerosité pour l'environnement (voir ci-après):

- Volume annuel des biogaz: il est de 200m3 par tonne de déchets*/**. Ce chiffre correspond à la production totale des biogaz intégrée sur une échelle de 50-100 ans. La production des biogaz est plus conventionellement indiquée par la valeur moyenne obtenue à la fin de l'exploitation, soit 6-10m3/T/an (la fourchette correspondant à des sites de 75.000T/an à 150.000T/an, exploités sur des périodes de 20ans à 10ans, respectivement). Pour un site de 150.000T/an (cas du projet de Saint-Escobille), cela représente donc une production annuelle maximale de 15 millions de m3, soit 41.000m3/jour. Puisque le rendement de captage est de 60-70%, entre 30% et 40% de ce volume s'échappe librement dans l'atmosphère, soit 4.5 à 6 millions de m3 de biogaz (12.500-16.500m3/jour). Moyenné sur la durée, cela représente quand même 7.000 à 8.000 m3/jour de biogaz à faire respirer aux collectivités avoisinantes sur une période de 20 à 30 ans! Une telle production annuelle de biogaz non récupérés (auxquels il faut ajouter le gaz carbonique dû à leur combustion ou valorisation) participe de façon significative à l'effet de serre.

*Note: ce chiffre est seulement indicatif d'une moyenne géographique, la fourchette étant de 135-400m3/tonne. Ces différences importantes s'expliquent par la proportion variable des fermentescibles entrant dans le mélange des "déchets ultimes", comme le niveau de pluviométrie régional (accélérant la décomposition et la génération des biogaz). Dans une décharge du Tarn-et-Garonne, on a pu ainsi mesurer l'impressionnant record de 880m3/tonne, soit 4.5x plus que le chiffre moyen de référence!
**Mise à Jour mai 2005: les estimations ci-dessus ont été affinées depuis grâce à un modèle de simulation de précis et fiable concernant la production des biogaz sur le temps de vie du CET. Des prédictions détaillées seront communiqués en juin 2005.

- Rendement de captage des biogaz: le chiffre maximum de 70% annoncé (performance déjà pauvre compte-tenu des énormes volumes produits), est plutôt un objectif propre à rassurer qu'une réalité effectivement mesurée sur le terrain. En particulier, l'approche consistant à ériger les déchets un monticule (dôme) plutôt qu'à les enfouir a pour effet d'augmenter leur surface de contact avec l'atmosphère. On peut raisonnablement envisager dans ce cas que le taux de captage des biogaz diminue considérablement, pour atteindre en pratique 50% ou moins*. Il faut également distinguer les rendements "théoriques" de l'installation en début d'exploitation des rendements "effectifs" obtenus à maturité: les drains de captage des biogaz sont immanquablement écrasés sous l'effet du poids des déchets et le compactage des bulldozers, bouchés par les lixiviats et les matières diverses qui s'y infiltrent. Le résultat est que le captage effectif des biogaz est progressivement réduit, bien que l'on puisse placer de nouveau drains en surface. Avec un rendement de captage ramené à 50% à maturité de l'exploitation (seulement 1-2 ans après son ouverture), les chiffres indiqués précédemment et détaillés ci-dessous, déjà très alarmants, seraient alors quasiment doublés. Pour l'exploitant, la solution serait d'augmenter le nombre des torchères (comme autant de bougies piquées sur un gâteau..), mais ceci à un coût d'investissement et de maintenance trop élévés pour en valoir la peine. Cela sans compter sur la grande difficulté technique à respecter certaines normes liées au brûlage (voir ci-dessous). [*note: le protagoniste jouera avec ses chiffres en ne citant que les valeurs maximales théoriques ou mesurées dans des conditions, points de captage et moments propices, mais jamais les valeurs moyennes et leur écart-type, telles qu'un vrai échantillon statistique pourrait les fournir].

- Composition des biogaz: 45-65% de méthane (CH4), 25-45% de gaz carbonique (CO2)*, 4-8% d'azote (N2), et 1% d'oxygène (O2). Le reste consiste en vapeur d'eau pour une densité de 11.7g/m3, en hydrogène sulfuré (H2S) à l'odeur putride caractéristique d'oeuf pourri pour 0.4g/m3, en composés halogènes (chlore, fluor) formant des gaz irritants pour 1.4mg/m3, composés organiques volatils, dits COV (benzène, toluène, cétones, alcools, aldéhydes, esters, chloroéthylènes et autres composés organiques volatils) formant des vapeurs cancérigènes pour 0.1-5mg/m3 (selon le site et le type de déchets accumulés), et traces de métaux lourds volatils. On peut ajouter à cette liste la présence accidentelle de dioxines (PCDD, PCDF/funares) résultant de la combustion soit des biogaz à basse température (voir plus bas), soit des déchets par incendies spontanés (on juge probable un taux moyen de deux incendies par an).
C'est là où les chiffres commencent à parler. On se préoccuppe naturellement des constituants majoritaires (méthane, gaz carbonique..) pour oublier le reste. Mais quand même 400mg/m3 d'hydrogène sulfuré suffisent à rendre le biogaz très incommodant à respirer..Concernant les milligrammes/m3 COV, ils ne seraient pas si alarmants s'ils n'étaient pas rapportés à la masse absolue libérée dans l'atmosphère. En effet, 10.000m3/jour de biogaz représente 1-50g de COV quotidiennement, 0.3-18kg annuellement et 6-360kg sur 20 ans ! Il faut bien d'une façon ou d'une autre que la nature ou l'humain ingère progressivement ces petites doses empoisonnées..et que leurs organismes soient finalement affectées à terme.

*Note : pour comparaison, l'air sain que nous respirons est constitué de 78% d'azote et de 21% d'oxygène, et normalement contient moins de 1% de gaz carbonique).

Le volume référence de 10.000m3/jour de biogaz non capté représente donc 4kg/jour (ou 1.4tonnes/an) d'hydrogène sulfuré rejeté quotidiennement (ou annuellement) dans l'atmosphère pendant 20-30ans. Comme ce gaz est plus lourd que l'air (soit d'environ 20%), il faut bien qu'il retombe et se recombine quelque part. Les autres composants des biogaz (COV) plus légers que l'air, devraient théoriquement s'échapper librement dans l'atmosphère, mais la réalité est fort différente. Des effets d'inversion de température au-dessus du site peuvent bloquer l'ensemble des biogaz de fuite, résultant à la formation de poches stagnantes ou très lentement dispersées par le vent. Des changements de pression atmosphérique peuvent aussi mettre les biogaz en surpression. Mais plus simplement, la couverture systématique des déchets en surface favorise leur accumulation en poches souterraines. Ceux-ci ont alors naturellement tendance alors à migrer par le sous-sol poreux des environs immédiats, pour pénétrer et s'accumuler dans les habitations (caves, garages, vides sanitaires). Au Canada, on a caractérisé des phénomènes de migration de biogaz par le sous-sol (profondeur 50-100cm) sur des distances allant jusqu'à 860 mètres à partir des casiers d'un CET! Ce phénomène a aussi été observé en France. Le mélange méthane+oxygène étant très explosif, les riverains tournant leur lumière ou allumant une cigarette dans leur cave ou certaines pièces de leur habitation peuvent avoir de très graves "surprises", comme cela a été reporté et vérifié au cours des 25 dernières années, par exemple en Belgique ou aux Etats-Unis.
- Toxicité des biogaz (pour référence, sont considérés comme relativement élevées des concentrations de 0.001 à 0.1 mg/m3 de ces produits; il faut aussi distinguer entre les chiffres représentant des valeurs moyennes, donc faibles et à la statistique peu fiable, de ceux représentant des valeurs maxima constatées au moment de la mesure):

-- Méthane, ayant un effet 35 fois plus toxique que le gaz carbonique
-- Hydrogène sulfuré: très indisposant voire irritant (yeux, nez, poumons) à seulement très faibles concentrations (>0.1mg/m3), mais devient toxique à concentrations élevées (>0.5g/m3);
-- Ammoniac (pas toujours présent selon le type de déchet, mais propriétés identiques au précédent)
-- Mercaptans, à l'odeur caractéristique de choux pourri: éthyls et méthyles (toxiques);
-- Composés organiques volatils (COV): chloroéthylène et benzène (cancérigènes), toluène et xylène (toxique à moyenne concentration);
-- Composés chlorés: dichlorométhane et chlorure de vinyle (cancérigènes), biphényles polychlorés ou BPC (cancérigènes), trichlororéthylène (cancérigène pour les animaux, toxique pour l'homme), tétrachloroéthylène (toxique); une étude réalisée en Californie en 1989 sur 224 CET a relevé des concentrations de dichlorométhane jusqu'à 4.5mg/m3, et de tri- ou tetrachloroéthylène jusqu'à 0.7- ou 1.8mg/m3.. Au Canada, une étude de 2003 relève des concentrations de 5-10mg/m3 pour certains composés chlorés, et 25-100mg/m3 pour les COV dont le toluène (oui, nous avons bien écrit milligramme par m3..).
Certaines études effectuées en France indiquent que les concentrations de COV

Bien entendu, plus on se trouve éloigné de la "limite de propriété" (!) du CET, ces concentrations en principe diminuent. Mais les phénomènes de migration par le sol, de transport directif des biogaz par les vents dominants ralentissent cet effet de diffusion jusqu'à plusieurs centaines de mètres de cette limite bien fictive.. L'accumulation des biogaz dans les bâtiments riverains (écoles, caves, vides sanitaires..) a pour effet d'augmenter ces concentrations au cours du temps, à défaut d'une ventilation appropriée.
- Combustion des biogaz par torchère: la combustion des biogaz permet en théorie de les réduire à de simples effluents de gaz carbonique et de vapeur d'eau, avec des traces de monoxyde de carbone (CO) et d'imbrûlés de méthane (0.01%). Mais une telle opération requiert un certain nombres de conditions très strictes, souvent difficiles à réaliser simultanément et de façon routinière:
-- une température relativement élevée (égale ou supérieure à 1200°C, et non 900°C comme souvent publié);
-- transit homogène et uniforme en pression et température, sans zones froides;
-- temps de transit dans la zone réactive au moins égal à 0.3 seconde;
-- réglage automatique du mélange optimal air/biogaz.

En-dehors des conditions listées ci-dessus (souvent non respectées dû à des dispositifs inadéquats, mal entretenus ou "re-bricolés"), il y a formation de dioxines (types PCDD et PCDF* et de certains hydrocarbures lourds (COV). Une température localement ou uniformément plus basse (que 1200°C), ou un transit trop rapide (moins de 0.3s) ou un excès d'oxygène (par rapport au niveau optimal), rend tout le contraire de l'effet recherché! En plus de ne pas éliminer les constituants visés, il y a création de nouvelles chaînes chimiques hautement indésirables, telles que ces dioxines et hydrocarbures lourds. Ces produits de dérivation, très toxiques et/ou cancérigènes, sont bien entendu rejetés dans l'atmosphère et surtout les environs immédiats. Selon leur "rendement" de production, ils pourraient correspondre à des concentrations et masses annuelles assez considérables et bien au-dessus des normes admissibles. Rapellons également que le rendement de captage des biogaz est un chiffre somme toute assez incertain, qui dépend directement du nombre de torchères installées ou effectivement en opération (à 100.000 Euros l'unité, plus frais de maintenance, on ne va quand même pas en mettre plus qu'il faut..). Dans le cas où les déchets sont érigés en dôme, le rendement de captage diminue en proportion directe de la hauteur du monticule. Un des problèmes observés est que le flux des biogaz peut être très variable au cours d'une journée ou de certaines périodes saisonnières, causant des déficits d'alimentation en combustible comme des pannes répétées. On voit difficilement comment les conditions de combustion des biogaz puissent être optimales à toute heure de la journée, 365 jours par an, pendant 10 ans... Rapellons que toute déviation par rapport à ces conditions se traduit par un regain d'effluences toxiques.

(*note: PCDD=polychlorodibenzo-p-dioxines, au nombre de 75 molécules, PCDF= polychlorodibenzofuranes, dites "furanes", au nombre de 135 molécules)
- Valorisation des biogaz par recyclage en énergie électrique: ne pas interpréter électricité ou carburant gratuits. Il s'agit plutôt d'augmenter les profits de l'exploitation (mise sur réseau à 80%), sinon d'alimenter son éclairage du site ou sa station d'épuration de lixiviats sans frais! Un problème important est celui de la pollution résultant d'un tel recyclage: les gaz d'échappement des moteurs à biogaz sont notoires pour la production de monoxyde de carbone (CO), d'hydrocarbones hors-méthane (dits NMHC, tels benzène, toluène, xylène, ethyl-benzène), composés halogénés (chlore, fluor) ou soufrés (mercaptans), dont les différentes caractéristiques sont malodorantes, irritantes, asphyxiantes, toxiques et/ou cancérigènes. La norme acceptée pour la production de ces substances est de 150mg/m3. Une valorisation au rythme de 2500m3/h produirait donc près de 400g par heure, soit 9kg par jour, et 3.3 tonnes/an de ces précieux reliquats. Avec 21 millions de m3/an de biogaz captés (les 70% des 30 millions de m3/an cités plus haut, on dispose de 57.000m3/jour soit.. 2395m3/h, le compte est bon. Mais en pratique, la norme des 150mg/m3 n'a aucune raison d'être respectée: mélange air/biogaz non optimal, encrassements, maintenance selon la politique du "tant que ça tourne". Ainsi, des infractions concernant des dépassements jusqu'à 2.5 fois la norme ont pu être constatées au hasard (Belgique). On notera que le Préfet a le pouvoir d'accorder certaines dérogations dans le dépassement des normes autorisées (nous revenons ici sur les difficultés "techniques et économiques du moment", qui peuvent justifier toutes les dérogations imaginables..).
Comme pour les constituants organiques des biogaz, les substances rejetées sont plus lourdes que l'air. Elles ont donc tendance à stagner pour former des poches. Les effets d'inversion de température ou de changements de pression atmosphérique augmentent leur densité locale, comprenez dans les environs plus ou moins immédiats du site (500m-5km).

L'exploitant peut donc se féliciter de "valoriser" ainsi son biogaz; mais les autres se passeraient assurément de ce petit "plus" qui, sans leur profiter en aucune mesure, alourdit gravement la facture (déjà chargée) de leurs risques sanitaires!

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